Sidy Diallo, l’heure du bilan par Lambert Feh Kessé

Un seul être vous manque… et tout est dépeuplé » a dit Lamartine. Oui, Sidy est parti… Le président Sidy Diallo, celui qui m’appelait très affectueusement « le grand frère du président », a tiré sa révérence, ce 21 novembre 2020. Nous laissant dans un désarroi total, profond. Réalité implacable ! Nos lamentations, nos pleurs, nos gémissements, n’y feront rien.

En ces moments d’intenses douleurs, mes pensées les plus affectueuses, vont à Brigitte, sa veuve, Ablo et ses frères, ses enfants. Au patriarche Diallo, le père, qui n’est pas encore remis de la grande peine du décès de son fils aîné, survenu il y a seulement huit mois. A toute sa famille, ses frères et sœurs dont il était devenu l’aîné. Il n’y a que nos prières, dans le silence du recueillement, avec l’aide de Dieu Tout-Puissant, qui allègeront nos peines.

En ce moment de grande détresse, je pense également à tous ses collaborateurs de la Fédération ivoirienne de football. En premier, à Sory Diabaté, son premier vice-président, dont la loyauté ne lui a jamais fait défaut. Je pense aussi à ses collaborateurs d’Ivosep, centre de rencontre des cœurs déchirés par la douleur, qui ont toujours reçu le soutien et le réconfort du propriétaire des lieux. J’associe à ces pensées, toute la famille du football qu’il a servi, avec abnégation et loyauté, mais qui ne l’a pas toujours compris. A Paris, où je suis actuellement, cette lourde nouvelle m’est tombée dessus, comme un coup de massue, ce samedi 21 novembre. J’avais déjà été informé de l’aggravation de sa maladie. Nous nous sommes parlé le mardi 17 novembre.

Cette nuit du 21 novembre laissera une marque indélébile dans nos mémoires. Elle a été pour moi, une nuit d’insomnie et de revue détaillée de souvenirs, souvenirs de tout ce qui me liait à Sidy, tout ce que j’ai partagé avec lui. Oh, que c’est absurde et pénible de parler de Sidy au passé !

Mes relations avec le président Sidy Diallo datent de bien longtemps. Des décennies. Je ne compte plus… Je ne sais même plus comment elles ont commencé. Ces relations empreintes de fraternité vraie, sans contrepartie, nous ont toujours réunies et accompagnées dans toutes les œuvres que nous avons, dans la considération et le respect réciproques, entreprises et réalisées ensemble.

Je l’écoutais comme il m’écoutait. Nous nous comprenions. Nous faisions fi de nos divergences. La vérité et la franchise cimentaient nos échanges.

Nous partagions nos déceptions. Comme ces longs moments de discussion, trois heures durant, passées ensemble, un soir à Paris, au retour d’Égypte, après notre défaite à la finale de la Can 2006. C’était au mois de février. Face aux incompréhensions, nombreuses à cette période, il voulait mettre fin à sa mission à la tête de l’équipe nationale. Le mondial de 2006 approchait à grands pas. Je l’en ai dissuadé. Et par devoir, il m’a compris. Il a ainsi conduit les Éléphants au mondial 2006 en Allemagne.

Cette triste nuit du 21 novembre a vu défiler, dans ma tête, de nombreux autres souvenirs. Je nous ai revus, à Libreville, à la finale de la Can 2012. Assis, l’un à côté de l’autre, avec notre regretté Dieng Ousseynou, lui, Sidy, supportant sans se plaindre, parce que très concentré, mes coups de pied, à chaque occasion ratée de nos pachydermes. Nous avons été battus. Je revois encore son visage marqué par la douleur de la défaite. Il m’a dit, « grand frère, ce n’est que partie remise ». Il a eu raison. 2015 a été la bonne. L’équipe nationale de Côte d’Ivoire, « les Éléphants », avec laquelle il entretenait un attachement viscéral, avait été sa grande passion, l’une de ses principales œuvres, vécues intensément, comme membre ou à la tête de la Fédération ivoirienne de football. Sidy a profondément aimé notre sélection nationale, il lui a tout donné, lui a consacré son temps, au détriment de ses occupations professionnelles.

Durant mon insomnie de cette terrible nuit du 21 novembre, un autre souvenir, celui d’un de ses plus importants combats, est apparu dans mon esprit. L’attribution des Can 2019 et 2021. C’était à Addis-Abeba. Les 18, 19 et 20 septembre 2014. Nous avons veillé ensemble trois nuits durant, parlé avec les décideurs de la Caf. Nous avons regardé, relu et corrigé tous nos documents de présentation de la candidature ivoirienne. Sidy, président, le succès remporté à la séance plénière du 20 septembre 2014, au siège de l’Union africaine, c’est bien le tien, totalement le tien. Grâce à ton dense réseau de relations que tu as su tisser à travers l’Afrique, grâce à tes convictions, à ta force de persuasion. Mais Sidy, comment imaginer, que cette Can 2021, devenue Can 2023, acquise après trente longues années d’attente, ta Can à toi, puisse se tenir sans toi ? Sans tes conseils avisés, sans ta présence rassurante ? Assurément, tu nous manqueras à ce grand rendez-vous continental. Au cours de ta dernière visite au siège du Cocan, le 15 janvier dernier, tu nous as invités à offrir à l’Afrique et au monde, l’une des meilleures Coupes d’Afrique des nations de la Caf, digne de notre pays et de son rang sur le continent et dans le monde ? Président, nous sommes dans cette dynamique, nous nous y engageons. Fermement, avec toute notre énergie et notre intelligence ! Le Cocan est au travail. Il saura relever ce défi et honorer ta mémoire.

Président Sidy, tu avais voulu passer le flambeau, à la tête de la Fif, à ton successeur, au soir du 5 septembre 2020. Tout était réuni pour que ce rendez-vous soit tenu. Mais la Fifa en a décidé autrement et nul ne sait aujourd’hui l’issue de la situation d’incertitude ainsi créée. Mais Dieu, qui n’abandonne jamais les siens, ne laissera pas longtemps orpheline notre Fédération.

Sidy, mon frère, c’est l’heure de l’ultime bilan. Il est largement positif et tout à ton avantage. A la tête de la Fédération ivoirienne de football, tu as apporté de nombreux lauriers à notre pays. Je ne citerai que les plus visibles. Ceux qui resteront à jamais dans la mémoire collective. Pour les Éléphants seniors, l’on note un titre de vice-champion d’Afrique en 2012 à Libreville, un titre de champion d’Afrique en 2015 en Guinée Équatoriale et une participation à la Coupe du Monde au Brésil en 2014. Pour les cadets, un titre de champion d’Afrique en 2013, une participation à la Coupe du Monde, la même année, aux Émirats Arabes Unis. Notre sélection Espoir sera, du 23 juillet au 8 août 2021, aux Jeux olympiques du Japon. Quant aux filles, elles étaient présentes à la Coupe du Monde au Canada en 2015, et ont obtenu une médaille de bronze à la Coupe d’Afrique des nations en 2014. Ce sont des résultats acquis de haute lutte, le fruit du goût pour le travail, que tu as su inculquer patiemment à ton équipe fédérale et surtout de ton engagement personnel.

Mais l’arbre ne saurait cacher la forêt. Les nombreuses années que j’ai passées au sein de la Fédération ivoirienne de football dirigée par Jacques Anouma, celles passées à tes côtés depuis 2011, m’ont enseigné que le football est un milieu difficile, chargé de passions et, malheureusement, d’intérêts de toute nature. Cela fait naître des dissensions, des oppositions de toutes sortes. Des ambitions aussi… C’est donc un combat permanent qu’il faut mener, faire comme le crocodile de Yamoussoukro, « dormir avec les yeux ouverts ». Sidy est toujours sorti de la mêlée, de toutes les épreuves qui lui ont été imposées, la tête haute. J’ai souvent dit et répété à mes interlocuteurs, face à certaines prises de positions tranchées vis- à-vis de lui, qu’il faut bien connaître Sidy diallo avant de le juger. Beaucoup d’entre nous l’ont chargé de tous les défauts, de tous les maux, sans vraiment le connaître. Il était avant tout un homme de cœur et de partage, un homme de grande compré- hension. Et cet homme de cœur ne pouvait être qu’un homme entier, total, qui supporte mal ce qu’il peut considérer comme de la trahison ou de l’ingratitude. Il a été, certes, un homme déterminé dans l’action, mais attachant, humble et courtois. Mais le feu de l’action génère des impacts. Qui peuvent faire mal. Le temps du pardon, qui n’a pu être possible pour certains d’entre nous, est enfin arrivé. Connaissant Sidy, et tel qu’il a vécu, avant de quitter cette terre des hommes, je sais qu’il a tout pardonné, à chacun et chacune d’entre nous. Nous qui sommes encore sur cette terre, nous devons saisir cette triste opportunité, pour vider nos cœurs de toutes les impuretés qui pourraient entacher le tableau que notre frère Sidy diallo présentera à Dieu, Seigneur des mondes, au jour de la grande explication. En ce qui me concerne personnellement, je n’ai rien à pardonner à sidy diallo. Tout était blanc et sans taches entre nous. Comme le coton sorti des champs de nos parents du Nord, comme l’eau limpide qui jaillit de nos rochers dans l’Ouest montagneux. La famille du Cocan, dans toutes ses composantes, se joint à moi pour présenter à Brigitte, à ses enfants, au patriarche Diallo et à toute la famille éplorée, nos condoléances les plus attristées, en leur assurant toute notre affection.

Quant à toi Sidy, mon frère, bonne route ! Que Dieu Tout-Puissant, le Très Miséricordieux, t’accueille dans son royaume, là-haut, dans les cieux.

Lambert FEH-KESSÉ